1904 : L'oiseau de
François Roux,
l'arrière grand père du Tchouk
L'un des premiers "originaux"
identifié dans la famille du Tchouk a été l'un
de ses arrière-grand-pères: François
Roux.
En 1904, il tente de faire voler
sa première machine volante. Fasciné par le vol de
l'oiseau, François Roux s'en inspire
délibérément pour créer sa
machine.
Voici ce que François Roux lui-même écrivait:
Les événements du
siège de Paris 1870-71, m'avaient fait longtemps
réfléchir aux moyens d'étudier l'investissement
d'une place par la circulation dans l'air. Les ballons m'ont toujours
paru un principe trop aléatoire: leur direction trop
difficile. Une observation assez prolongée du vol des oiseaux
me fit concevoir l'idée que la réalisation de ce mode
de locomotion n'était pas impossible et je m'attachais
à l'étude des moyens d'y parvenir bien que cela me
parût quand même difficile (...).
A la suite donc d'études, de
conférences, je me décidai à faire un appel de
fonds parmi mes relations. Une dizaine d'amis répondirent
à mon appel et avec ce que je pouvais mettre de fonds, je
réunis environ 30.000F. En 1903, je fis construire un
appareil. En 1904, je le fis expérimenter par Lallemant, le
jeune mécanicien qui l'avait construit. Ces essais très
intéressants n'aboutirent pas au résultat, mais eurent
au moins l'avantage de se faire sans accident de personne.
Il s'agit donc d'un appareil
à ailes battantes, auxquelles s'ajoute une petite
hélice. L'ensemble est actionné par un moteur à
vapeur (hélas trop faible).
Afin de permettre à l'
"oiseau" de s'envoler, un bâtiment doté d'une rampe de
lancement sera construit à Ablon, non loin de Paris. Cette
rampe de lancement est située face à un plan d'eau,
afin d'adoucir un éventuel atterrissage brusque.
Cinq tentatives de vol ont eu
lieu. Le Tchouk en a retrouvé les comptes-rendus: A chaque fois
le moteur, sous-dimensionné, calait et l'appareil
tombait.
Voici quelques extraits d'un
courrier daté du 20 juillet 1904 et adressé par
François Roux aux généreux souscripteurs ayant
participé au financement de la machine:
Notre Société
constituée en Janvier 1903, les opérations ont
commencé immédiatement par la mise en chantier de
l'appareil (...). L'appareil a été construit sans
hésitation et presque sans changements.
Depuis cette époque, nous
avons loué l'emplacement que nous avions en vue et que nous
vous avions signalé; nous y avons installé notre
pavillon, le plan incliné du lancement et les accessoires
strictement nécessaires.
Le mécanicien qui montait
l'appareil s'est offert de lui-même à le conduire pour
les expériences.
Tout étant ainsi
préparé, l'appareil terminé et essayé
à l'atelier, le 12 mars 1904, nous l'avons transporté
à notre champs d'expériences d'Ablon pour commencer les
essais.
Dans le laps de temps qui s'est
écoulé entre le 12 Mars et le 20 Juillet nous avons
à 12 reprises différentes préparé le
départ; la plupart des fois le départ a
été empêché par des avaries subites ou des
insuffisances, il a pu avoir lieu à 5 reprises aux dates et
avec les résultats expliqués ci-dessous:
1° - Le 21 Mars - lancé
de l'appareil avec l'opérateur dedans, mais sans machine en
marche, essai de solidité - vitesse de départ
insuffisante, addition de rails métalliques, etc...
2° - Le 17 Mai - lancé de
l'appareil avec moteur en activité - les ailes qui doivent se
relever légèrement pour battre, ne se relèvent
pas, chute - relèvement des rails au départ du plan
incliné.
3° - Le 22 Juin - lancé
de l'appareil avec moteur en activité; par suite d'une
illusion de l'opérateur les ailes battent à contre
sens, effet contrarié, chute.
4° - Le 2 Juillet - lancé
de l'appareil en pleine activité, bon départ, les ailes
ne se relèvent pas d'avantage et ne battent pas, chute.
5° - Le 20 Juillet -
lancé de l'appareil en pleine activité avec tous les
ressorts disponibles pour relever les ailes (au repos le
relèvement s'effectue bien), en marche le relèvement ne
s'est pas effectué, les ailes ne battent pas, chute.
A chacune de ces chutes,
l'opérateur n'a éprouvé aucune
incommodité sérieuse et n'a jamais heureusement
été blessé; les pattes seules ont
été détériorées et ont
nécessité des réparations plus ou moins
importantes. L'appareil n'a éprouvé aucune avarie
sérieuse dans aucune de ses parties (...).
En raison de la marche du temps, il
ne nous a pas été possible de concourir au prix de St
Louis, nous en avions avisé l'administration de ce concours
avec laquelle nous étions et sommes encore en correspondance.
(Note: le prix de St Louis
était doté de 100.000F/or. Après que ce prix eut
été manqué, il semble que les souscripteurs
n'aient pas souhaité de financer les expériences au
delà...)
Le film de l'un des deux derniers
essais subsiste. Malheureusement, la pellicule est devenue cassante
et le film ne peut pas être visualisé: il faudrait le
restaurer mais ce genre de restauration est bien trop
coûteuse!
Le Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget a tout de même pu
réaliser quatre clichés extraits du film:
1:
2:
3:
4: 
On imagine facilement une
trajectoire assez... parabolique!
On imagine également la déception des personnes présentes...
François Roux était
du genre obstiné. Il était persuadé qu'il avait
raison... les partisans de l'aile fixe se trompaient
nécessairement puisque les oiseaux volent en battant des
ailes... L'avenir lui donnera tort! Il fait partie de ces
géniaux inventeurs qui n'ont pas su avoir raison et qui ont
sombré dans l'oubli.
_
A droite en médaillon,
François Roux, le concepteur en train de relever sa machine
après l'une de ses chutes
On aperçoit aisément la petite cheminée du
moteur à vapeur...
Les essais de François
Roux se faisaient à peu près au moment où, aux
Etats Unis, les frères Wright effectuaient leurs premiers
vols planés.

Une photo du planeur des
frères Wright retrouvée dans les archives de
François Roux
Peu après, en 1906, Santos
Dumont effectuait le premier vol motorisé.
La fille de François Roux
(la grand-mère paternelle du Tchouk), alors jeune fille, assistera aux
premiers vols motorisés de Santos Dumont et en gardera toute sa vie un
souvenir puissant.
Même après ses
échecs, après avoir vu Santos Dumont et les
frère Wright voler avec des machines à ailes fixes,
François Roux "sait" que l'aile battante est LA solution.
Il a étudié à fond la cinématique de
l'aile de l'oiseau.
Ses calculs lui montrent que la
puissance motrice nécessaire est minime. C'est là sa
plus grosse erreur car les hypothèses de base du calcul de la
puissance nécessaire étaient fausses: le moteur calera
à chaque décollage, dès que les ailes doivent
battre...

Après une tentative
infructueuse.
On voit bien sur cette photo le plan d'eau sensé amortir un
atterrissage brusque et que la machine ne parviendra jamais à
survoler...
Le Tchouk a retrouvé de
nombreuses correspondances avec des organisateurs de meeting
aériens... à une époque où personne
n'avait encore volé! (si l'on excepte Otto Lilienthal,
Clément Ader et bien sur... Icare)
Jusqu'au bout, François
Roux ne doutera pas... Son appareil sera inscrit dans les tout
premiers meeting aériens... Bien sur, il n'y participera
jamais!
En ce qui concerne le premier
appareil, François Roux avait lancé une souscriptions
auprès de ses amis et de sa famille. Déjà assez
âgé, il ne pouvait piloter et avait prévu une
assurance vie pour le mécanicien-constructeur-pilote,
Lallemant, au cas où...

Le courageux
mécanicien-constructeur-pilote, Lallemant
Les photos révèlent
plusieurs éléments intéressants:
Tout d'abord, le moteur à vapeur: minuscule! nos connaissances
actuelles nous font comprendre immédiatement que sa puissance
ne peut être qu'insuffisante. Mais à l'époque,
toute la mécanique du vol restait encore à
découvrir.

Une mécanique sous
dimensionnée mais une structure générale
très moderne
Ensuite la structure de
l'appareil. Là, les compétences de l'architecte
qu'était François Roux sont flagrantes: tout est
là de l'avion moderne! Une structure métallique
légère (déjà!) avec cadres et
longerons... Tout comme aujourd'hui sur un Airbus! Cette structure
était très en avance sur ce qui s'est fait par la suite
où le bois entoilé va régner en maître
pendant de très nombreuses années.
Par contre, les "pattes" (nom
donné par François Roux aux trains d'atterrissage)
paraissent bien maigres...
François Roux a
réalisé un second appareil en 1907-08. A cette
époque, l'homme volait déjà mais sur des
machines à ailes fixes. François Roux devait montrer au
monde que sa solution était la bonne: l'appareil était
donc un biplan avec une aile fixe pour la sustentation et une aile
battante pour la propulsion... (pourquoi faire simple...).
L'hélice, présente sur le premier appareil a cette
fois-ci totalement disparue.
Curieusement pour ce second
appareil, François Roux va abandonner la moderne structure
métallique pour une armature en bois (comme sur les avions
contemporains).
Dans une note manuscrite
écrite après la grande guerre, François Roux
résume ses travaux d'aviation. Voici ce qu'il écrit au
sujet de ce deuxième appareil:
Quand les premiers essais
réussis d'aéroplanes eurent lieu, je revins à
mon principe et fit construire un 2° appareil, cette fois avec
deux plans d'ailes au lieu d'un seul - un plan fixe au dessus et au
dessous une paire d'ailes battantes.
Dans cette note il dit (voir plus
loin) avoir interrompu ses expérimentations en août
1908. Pourtant, un autre document daté du 10 Juin 1910
précise que des modifications ont été
apportées à l'appareil:
Le moteur à vapeur
désigné pour relever les ailes etc, a donné lieu
à une nouvelle étude et à des trains de
détails (6 mai 1910).
Le train (Note: il ne parle plus de
"pattes") a été modifié, les deux grosses
roues latérales ont été supprimées et
remplacées par une roue centrale plus petite et par deux
patins latéraux. De sorte que le lancement s'effectuera comme
pour une bicyclette sur deux roues seulement en ligne, plus un
support éventuel latéral de chaque côté
sur un galet pour le maintenir.
En 1909, il écrira une
note de 40 pages intitulée "Analyse critique de l'appareil
construit en 1907-08 et de ses essais - Etude raisonnée et
calculée des perfectionnements à apporter, de sa
construction, de son fonctionnement". Dans ce document, il
évoquera des évolutions et améliorations
possibles (telles l'adoption d'un moteur à explosion
monocylindre à deux pistons opposés et chambre de
combustion unique). Ce document prouve que le second appareil a bien
été construit et testé: il n'est pas
resté sur le papier.
Jusqu'en 1916, il travaillera sur
le sujet en écrivant une "Revue générale de
l'appareil".
Aucun document photographique n'a
été retrouvé sur cette seconde machine.
Même le Musée de l'Air et de l'Espace (qui connaissait l'appareil de 1904) n'a aucune
trace de cette seconde réalisation et en ignorait
jusqu'à l'existence...
Néanmoins, le Tchouk a
découvert tout récemment dans les archives familiales
des plans de ce second appareil... Le temps de "digérer" un
peu tout cela, ce sera en ligne...
Si vous avez des documents sur le
sujet vous savez qui contacter...
Dans cette même note
manuscrite, écrite vers la fin de sa vie, François Roux
retrace la fin de ses expérimentations avec amertume:
Après plusieurs tentatives, je reconnus que
décidément la solution était plus difficile que
j'avais supposé et que la mise au point nécessitait une
si parfaite concordance de toutes les parties et de toutes les
manoeuvres que vouloir les poursuivre m'entraînerait trop loin
et je m'arrêtais en Août 1908.
Depuis je me suis borné
à des études théoriques (...).
Avant cette époque et surtout
après j'ai pris une part très active au mouvement de
l'aviation; mais toujours renfermé dans mes principes qui ont
peu de ressemblance avec ceux dont l'aéroplane est
dérivé; ce qui me constitue une place à part en
dehors du cadre de l'aviation officielle. J'ai écrit dans
différents journaux spéciaux et autres des
quantités d'articles; j'ai fait imprimer plusieurs
brochures.
En 1901 j'ai déposé
à l'académie des sciences un pli cacheté
contenant les éléments de ma théorie.
J'ai fait plusieurs
conférences, un cours d'aviation à Paris en Novembre et
Décembre 1911, à la mairie du IX° (...). J'ai
écrit un traité complet d'aviation d'après mes
principes (5 à 600 pages avec figures) écrit en 1904 et
repris depuis à 2 reprises et complété en
1919.
Je poursuis la polémique avec
l'école actuelle qui se refuse à écouter mes
raisons et j'espère qu'un jour on reconnaîtra que ce
n'est pas moi qui me suis trompé.
François Louis Roux,
Architecte
Décédé le 7 avril 1921 à Valence à
l'âge de 82 ans.